8–9.2.1866 LM–Torsten Costiander

Avanthier, en revenant de mes
courses, fermement resolu de commencer enfin
à t’ecrire pour te remercier de ta lettre du
16 Janvier, j’ai été agréablement surpris par
l’arrivée de deux lettres sur lesquelles je reconnus
ton écriture et celle de Robert. Parmi les nou-
velles, que me raconte Robert, il y a une assez
affligeant et inquietante, savoir que le public
est de plus en plus convaincu de la chute iné-
vitable de notre ami Törngren. Robert dit avoir
appris aussi, comme tout-à-fait sur, que la tieresvårtytt de
Nokia, hypotisée pour ma créance de 120 000
marks, ne vaut pas plus de 48 000 mks, ce qui
constituerait pour moi une perte de 72 000. J’avoue
qu’une telle perte ne me serait nullement agréable,
– mais pourtant jestruket la communication de Robert
ne m’a pas inquiété. Il doit y avoir quelque
méprise dans ses renseignements, car l’appréciation
judiciaire de Nokia (avec les fermes en dépendantes) est
|2| de 40 000 roubles. Quoiqu’espérant encore que
le pauvre Törngren sera sauvé des dangers im-
minents par son ami Wasastjerna, qui est
garant de la plupart de ses dettes, – j’écrirai
pourtant à Idestam, pour avoir des renseigne-
ments exactes concernant la valeurtillagt des terres de Nokia.
S’il faut subir la perte, comme le suppose Robert,
mieux vaut, y être préparé d’avance. Je n’en
aurai point de mauvais sang.

C’est la lettre de Robert que j’ai lue la
première, suivant le droit d’aînesse. Puis la
tienne.

Eh, voilà, que j’ai été surpris! En vérité ce
projet grandiose et flatteur, de me faire créer
maire de la capitale m’a causé une émotion
assez vive, quoique provenant (à projet) de sources
un peu douteuses.

Je me souviens maintenant que notre cher
”intendant minéral” m’a tenu, l’été dernier,
des propos sur ce sujet. Il voulait me prouver
que je ferais un excellent bourgomètre. Je lui ais
toujours répondu, que je suis trop jeune, que j’ai
|3| trop peu d’expérience, que je n’ai pas même envie
de solliciter la place et astruket qu’enfin, je n’obtien-
drais peut être pas une seule voix.

Du reste il n’a pas été le seul. Quand nous avons,
Lagerborg et moi, attaqué le gentilhomme d’Höckert,
pour lui inspirer l’idée de solliciter la place en
question, il a tourné l’attaque vers moi. ”Det
är du som skall söka tjensten.”

Quant à moi-même, j’ai un peu pensé, que
si la place devient vacante après trois ou
cinq ans, et si je ne suis pas alors sur une
meilleure voie, – je voudrais volontiers devenir
bourgomètre de Helsingfors. La solliciter maintenant,
cette place difficile et délicate, je n’y avais pas
songé un moment.

Car, enfin, il ne fait pas se cacher les rudes
cotés de la question. La place est des plus diffi-
ciles à remplir. Il y a tant d’abus et exstirpersvårtytt,
tant de réformes à faire, tant d’interêts à attaquer
et tant d’autres à ménager, qu’il est impossible
qu’on n’acquérire une foule d’ennemis, en remplis-
sant son devoir. Et puis le coté politique: c’est
|4| toujours au bourgomètre que s’adressent nos ”hommes
d’état” quand ils veulent outillagt provoquer ou réprimer
une manifestation d’opinion quelconque; de là des
pourparlers extrêmement délicats ou des luttes
violentes.

Pour réussir, il faut, d’abord, bien connaître
toute la législation communale, – ce qui n’est pas
trop difficile pour moi, – toutes les ”usences” et pra-
tiques du magistrat – et tanter les personnes de quelque
influence ainsi que leurs tendances, – ce qui cou-
tera beaucoup de temps et de peine, pour y parvenir,
mais cetillagt qui pourtant n’est pas impossible. Puis, il
faut avoir un peu d’éloquance, un peu de talent
de persuader, de faire prévaloir son opinion
– et c’est là peut-être le coté qui me trouve le
moins incapable. – Il faut enfin jouir d’une
grande considération pour ne pas trouver des
obstacles sur chaque pas.

Je te l’avoue franchement: si la bourgeoisie
de H^fors portait sur moi ses voix, – je
devrais le regarder comme la preuve évi-
dente d’un manque complet d’hommes, capables
|5| à remplir cette place qui devient de jour en
jour plus importante. Mais je sais aussi
qu’on est dans un grand embarras, pour la
prochaine élection. Il est en effet extrémement
difficile de trouver un personne qui puisse
faire face aux éxigences de cet emploi.

Voilà pourquoi je le regarde comme
possible que la lettre de Spåre ait été, en effet,
inspirée de M^r Walléen. Quant aux motifs
qui ont pu diriger le dit préfet sur ce projet,
je suppose, qu’il espère peut être trouver
dans un si jeune bourgomètre, qui encore lui
devrait son élection, un personnage facile à
conduire et enchanté de faire réaliser les
projets de M^r le préfet.

Quoiqu’il en soit, – et pour venir à la
”finale”:

Intéressé d’une activité aussi riche en ini-
tiatives, et qui peut être d’une si grande
utilité publique, – possédant un peu les
|6| connaissances en droit administratifs et financiers
nécéssaires, – trop ambitieux pour ne pas
préférer une place pleine de difficultés,
et de dangers même, mais qui peut donner
de la gloire, – à ma position insignifiante
et au lenttillagt avancement du Sénat, – je serais peut-
être porté à solliciter la place en question,
si je parviens à m’inspirer plus de suf-
fisancesvårtytt – et si je reçois des nouvelles
me prouvant que la victoire serait sûre.

Des deux chances l’une ou je reussirais
dans cette fonction – et cela me vaudrait
une carrière rapide et glorieuse – ou je
ne pourrais pas la ramplir comme il faut. –
et je n’aurais qu’à renoncer à toute carrière
politique et me retirer au sein de l’université.
Je te remercie d’avoir entrepris un voyage
à H^fors pour sonder la situation et voir
combien il y ait de la réalité dans les
|7| communications de Spåre. Et j’attends avec
une certaine impatience la lettre qui me fera
mieux savoi où nous en sommes. Si, par
hasard, tu allais encore à H^fors, je te prie
de discuter cette question avec Lagerborg, qui
doit connaitre au fond les opinions parmi
la bourgeoisie – et les chances de la candi-
dature de M^r Höckert, qui serait, à ce que je
crois, le plus dangereux des rivaux.

Il y a quelques jours j’ai reçu une lettre
de Forselles, qui m’annonce qu’il n’a pas
encore pu t’envoyer le montantstruket la somme
que tu as payé pour moi à la caisse d’É-
pargnes de Borgå, – Törngren n’ayant pas
encore payé sa rente. Comme je n’ai pas
pour le moment d’autres fonds disponibles,
et que ta situation financière est peut être
aussi un peu ”tendu”, je t’envoie ci-inclus
un papier, lequel présenté au contoirsvårtytt de |8| Föreningsbanken avec une lettre de changetillagt, te fera obtenir la somme
dont tu peux avoir besoin. S’iltillagt [...]oläslig/saknad text ne te
dérange pas, je te prie de trasser toute la
somme et d’envoyer à Robert tout le superflu.
Quant aux besoins de Adu et des soeurs, j’ai
arrangé de sortes qu’ils seront contentés avant
la fin de ce mois. – Je dois peut être dire
qu’un ”accept”, promis par écrit, vaut autant
que s’il est signé sur la lettre de change elle même.
Il va sans dire que c’est moi qui paierai la lettre en été.

Peu de jours après avoir reçu ta première
lettre, j’ai écris à Robert concernant les
affaires d’Adu. Comme je les feraistruket traiteraitillagt encore
aujourd’hui, en répondant aux dernières
lettres de Robert et d’Adu, j’espère que
tu n’exiges pas de moi la répétition, ici,
de ces choses peu agréables. je veux
seulement, te remercier sincèrement de
l’amitié paternelle que tu as montrée pour
mon pauvre Adu, et pour toutes ces démarches
que tu as faites. J’éspère qu’il en sera
reconnaissant – au moins plus tard.

P. S. En cachetant ma lettre, que je trouve
abominablement confus en la relisant, je veux
encore ajouter, que ma décision d’envoyer le
plein-pouvoir à Forselles n’est pas encore
inébranlable: je veux réfléchir deux jours
avant de le faire, – peut être aurai-je, en attendant,
encore des nouvelles de H^fors. – J’écrirai demain
mon troisième article ”pariserlif” et jestruket’tillagtajouterai, en
l’expédiant, quelques mots à Lagerborg. – Je tacherai
de faire du ”IV” un brillant article sur l’organi-
sation communale et les finances de Paris et je ferai
de sorte qu’il soit inseré au Dagblad le 28 ou 29 Mars.
C’est ma méthode d’intriguer. Remercie Sackleen,
de ma part, de l’intéret qu’il a bien voulu me témoigner.
– La raison pourquoi Lagerborg est un peu inactif
pour mon compte, c’est que c’est lui qui a toujours
taché à persuader Höckert de solliciter la place de
bourgomestre.

Si tu vas encore à H^fors je te prie d’aider
Forselles à écrire ma sollicitation, car je n’ai
pas assez de confiance en sa logique et entillagt son style.

Pourquoi doit-il être si difficile de savoirtillagt ce qui est
le juste, le prudent l’avantageux? – Je désire
que cette crise soit bientôt passée!