16.1.1866 Torsten Costiander–LM

De tout mon cœur je Vous souhaite une
bonne nouvelle année ! du bonheur et du
plaisir ! Tant que Vous aurez pour ma triste
figure l’indulgence et les bontés que Vous m’a-
vez témoignées à Paris, comme toujours, Vous pourrez
la considérer comme un masque sous lequel se
cache un véritable bonheur ! J’espère qu’à force
de travaux et d’occupations sérieuses auxquels je
suis habitué je réussirai à la transformer pour
Vous paraître plus agréable dans notre cher et
pauvre pays qu’elle ne l’était, je le sentais bien, au
milieu des plaisirs de la ville la plus gaie du
monde.

Mili m’a assuré qu’elle Vous a envoyé une relation
si détaillée de notre voyage de Paris que je ne saurais
rien y ajouter. Nous sommes revenus sains et saufs –
voilà l’essentiel ! Et nos effets mêmes n’ont pas été trop
abîmés par les secousses des charrettes de paysan, seule-
ment la belle salade qu’Alexandra m’a offerte à la veille
de noël a été, chemin faisant très-mal assaisonnée,
|2| malgré les précautions que j’ai prises pour la conserver,
et le nègre donné par Miliette s’est cassé les jambes.
La commission de transporter les bottes de Leo
m’a été extrêmement agréable. Je dois ajouter que mes deux jeunes filles ont été admirables de courage et de précision. –tillagt

Il ne me reste pour cette fois qu’à t’entretenir,
mon cher Leo, de notre pauvre Adu, chapitre bien
triste mais que je dois traîter avec fransvårtyttchise pour
que tu puisses comprendre la situation. Je reviens d’un
voyage pour Thus et Mustiala. Avec le plein-pouvoir
que tu m’a donné, nous avons décidé, Robert et moi,
qu’Adu doit tout de suite quitter le Gymnase. Sa position
y est intenable. Quoique resté une seconde année à
la première classe, ce qui aurait dû y faciliter ses
études, il est arrivé à un résultat désolant. Excepté l’alle-
mand et le français qui lui on valu deux nöjaktiga
ses progrès dans tous les autres sujets de l’enseignement
ont été attestés avant noël : svaga. – 109 leçons
manquées, en grande partie à cause de maladie, expliquent
un peu ce mauvais résultat. Mais le tout prouve pour-
tant une paresse impardonnable. Il est possible qu’il
y ait aussi un peu de mauvaise volonté de la part des
maîtres de gymnasestruket qui désirent qu’Adu quitte le
gymnase, mais au moins les amis de Robert, comme
|3| p. ex. Eurén qui enseigne la géographie et d’autres ont pour sûr
été justes dans leur jugement. La conduite, l’attention et
l’application d’Adu ont aussi été mal attestés. Cependant
les remarques faites sur sa conduite ne sont pas graves. –
De ce côté il mérite d’être excusé. Son cœur et son caractère
ne sont pas mauvais. Mais ses progrès presque nuls,
après les protestation réitérées qu’il a faites de sa bonne
volonté durant la triste année qui vient de s’écouler,
prouvent qu’on ne peut presque rien espérer de lui dans
une carrière qui exige des études sérieuses. – Quant à
l’institut de Mustiala, il est vrai qu’on n’y peut non
plus s’en passer, mais les occupations pratiques en plein
air y alternant avec les études théoriques rendent cet
établissement propre à recevoir des élèves d’une santé
faible comme celle d’Adu, et le fait qu’il a lui-même
exprimé le désire d’y entrer m’a fait entreprendre avec
Robert un voyage à Mustiala, afin de nous informer des
détails de l’enseignement etc. et des condition pour y être
admis. Voici ce que nous avons appris :

La classe supérieure (l’autre est pour des paysans sans édu-
cation) comprend un cours de deux ans. Avec la permission
du Sénat on peut y rester une 3^eme année. L’enseignement
|4| se fait comme à l’Université – on fait des cours. – À la
fin du chaque mois il y a pourtant une espèce d’examen.
Il n’y a de vacances qu’à noël, 15 jours, et à Pâques,
8 jours. – On enseigne : a) l’agronomie proprement
dite, b) ses sciences auxiliaires : la chimie, physique,
géologie, géognosie, physiologie végétale, botanique, zoologie,
c) le traitement des animaux d) l’anatomie et la physiologie
des animaux domestiques, la maréchalerie etc. e) l’économie
rurale f) l’arboriculture g) le jardinage h) l’arpentage,
le nivellement, le dessin etc. et i) la comptabilité ru-
rale. – Chaque élève (il n’y a que 4 gratuits) paye
la première année 800, les suivantes 600 marks pour
l’enseignement, le logement, la nourriture, tout excepté
l’habillement, le blanchissage et les livres. Le payement
se fait d’avance par quartier. – On nous a assurée
que pour des personnes d’une santé faible le séjour à
Mustiala est très-bienfaisant. Voilà la seule raison
pour laquelle je recommanderais cet établissement. –
Quant au penchant d’Adu pour l’agronomie, je ne
crois point qu’il soit réel. Il veut quitter le gymnase
comme il l’a fait avec le Lycée, et il se trouve à
Mustiala des amis avec lesquels il a chanté à Thus
– voilà tout. Pourtant il m’a encore sérieusement
|5| assuré que c’est son désir d’y entrer. Mais je crois, et
c’est – aussi l’avis de Robert, qu’il n’est pas ca-
pable d’y suivre les cours avec succès. – Le programme de
l’enseignement m’effraye un peu. – L’ouïe dure qu’il
a et sa paresse lui seront peut-être à Mustiala encore
plus nuisible qu’au gymnase, et je n’ai plus aucune
confiance dans ses promesses de travailler. Peut-être qu’avec
plus de sévérité de ta part il se corrigerait pourtant.
Du reste il a été tant grondé par Robert et par moi
que j’ai de la peine à le recommander encore à un traîte-
ment sévère. Il a bien aussi besoin de ménagements, le
pauvre garçon, mais d’un autre côté il ne faut point se
laisser abuser par ses protestations et ses pleursstruket larmestillagt lorsqu’il s’a-
git de le corriger et de le forcer au travail. –

Malgré tout cela nous avons pensé qu’il faut encore
essayer et nous avons prié Zetting de le recevoir. Pour
le moment il n’y a pas de place vacante, mais on en
prévoit bientôt et Zitting a promis d’avertir Robert dans
une quinzaine de jours. Alors nous enverronssvårtytt Adu à
Mustiala avec ses documents et Zitting nous a un peu
promis de le laisser entrer sans trop d’examen. Il faut
que Zitting demande aussi l’autorisation de l’expédition
|6| d’agriculture du Sénat, mais en attendant Adu pourrait
tout de suite commencer ses études, et on nous a
assuré qu’aussitôt qu’il est reçu par Zitting il n’y aura
plus de refus de la part du Sénat. Maintenant, comme
je voudrais que tu donnasses ton avis sur cette affaire
avant qu’on n’entreprenne quelque chose de décisif,
nous allons prier Zitting de ne pas expédier sa présen-
tation avant d’avoir reçu ta réponse. En entrant
à présent au milieu des cours qui commencent le
1^r Juillet, Adu pourrait bien jusqu’à l’été prochain
se persuader si cet institut lui convient ou non.
Il y a surtout un détail sur lequel tu devrais te
prononcer. Il est probable qu’il faille envoyer au
Sénat les attestations du gymnase qu’on a vraiment
honte de présenter à qui que ce soit. Veux-tu éviter cela ?
Dans ce cas Zitting pourrait-ilstruket peut-être trouver moyen
d’arranger la chose autrement.

Quoique on entreprenne avec Adu il est urgent
qu’il soit maintenant préparé à la Sainte communion.
Cela pourrait aussi réveiller son esprit endormi et
fortifier son caractère. C’est déjà convenu avec Zitting
pour le cas qu’il reste à Mustiala.

Si cela ne s’arrange pas, que faut-il faire ? Après
de mûres reflexions, nous nous sommes persuadés,
Robert et moi, que la seule chose qui lui irait
bien, serait de se faire organiste et de réunir à
cela les fonctions de maître de chant dans une
école. Pour ceci il a du vrai penchant et du talent,
et se doigts ne s’opposent pas à jouer de l’orgue.

Voilà ma triste relation. J’ai pensé qu’il ne
faut pas se cacher la vérité, ni nourrir de fausses
espérances. – Il faut se préparer à un avenir bien
modeste pour Adu. Du reste on a vu des paresseux
quistruket devenir avec le temps de braves gens, et tant
que le cœur et le caractère sont bons, il y a toujours
un sujet de satisfaction. Je te prie d’envoyer aussi
tôt que possible ta réponse et de l’adresser directement
à Robert qui est l’exécuteur de nos projets communs.

La maladie des enfants de Robert n’est plus du
tout dangereuse. L’ordre à Forselles d’expédier à Robert
pour la veille de noël 2 000 mark n’a pas été exécuté.
Je ne sais si c’est par manque d’argent ou, ce qui est
plus probable, à cause du départ de F^s de Hfors.
Comme c’est fâcheux que la broche envoyée à M^msvårtytte Lindroos
|8| ne soit pas parvenue! J’ai eu beaucoup de plaisir à
revoir la vieille et toute sa famille. On a été envers
moi on ne peut plus aimable. – Henry a une figure
comme la mienne, nous avons causé et trinqué
ensemble et je crois que nous deviendrons bons amis. –
Je suis aussi devenu bror avec Malla, à la gare
de chemin de faire. – J’ai eu tant à faire en passant
par Hfors que je n’ai pas trouvé un moment pour
aller chez Wiik. Je les ai pourtant revus chez M^me
Lindroos. –

Si tu veux me rendre un service je te prie
de vouloir bien m’acheter au magasin du Louvre un
tapis de table pour une table oblongue. Maximum
du prix 32 francs. Couleur dominante : le vert ; –
c’est pour mon salon. S’il n’y a pas moyen de l’envoyer
avec quelqu’un je te prierais de l’expedier avec les
effets que tu l’struketacheteras toi-même.

Et maintenant mes remerciments sincèrestillagt à Vous deux
pour les moments agréables passés ensemble à Paris.
Amusez-Vous bien ! Portez-Vous bien ! Je Vous écrirai
aussi souvent que possible et je déclare d’avance que je
ne veux pas detillagt réponse particulièretillagt. Je me contenterai de lire les lettres
adressés aux sœurs. Je sais combien les moments sont précieux
à Paris. Votre tout-dévoué