10.3.1866 LM–Torsten Costiander

Je te remercie infiniment des deux lettres que
je viens de recevoir, hier et aujourd’hui, ainsi que
de celle du 8 Fèvrier, à laquelle j’allais répondre
quand on m’a apporté ta lettre-introduction du 1 Mars.

Oui, tu as raison, toutes ces graves affaires qui
s’agitent maintenant, si loin de moi, mais me touchant
de si près, m’ont causé un ennui, un embarras, quelque
fois même une inquiétude, que je mettrais volontiers
à la parte, si cela était possible.

Quant à la plus grave, pour moi, des affaires en
question, celle de solliciter, ou non, la place de
bourgomesstrukettre, j’avais déjà pris mon parti, savoir:
d’accpeter avec plaisir la place, si par hasard la
plupart des voix se portait sur moi, – mais de
ne pas poser ma candidature, vu que la modestie
m’ordonnait de ne pas chercher à disputer à Öhrnberg
une place à laquelle il aspirait à tout de titres, lui,
qui non seulement a été l’une des représentants les
plus distingués de la diète, mais qui a aussi servi
la commune de H^fors pendant une vingtaine d’années. |2| Il est vrai que Öhrnberg est plutôt un excellent juge
qu’un bon administrateur, – il est vrai aussi, que
la ville a, avant tout, besoin d’un maire, qui joint
une grande souplesse d’esprit à une énergie inébran-
lable, et qui, tout en étant sérieusement instruit sur
les affaires communales et les théories financières,
ne soit pas trop esclave des fromalités traditio-
nelles. Mais, quoique je me sens un peu plustillagt approché
de cet idéal-là, – je ne voudrais pas garantir
que je ne fasse pas de grandes fautes en cherchant
à réaliser les réformes urgentes – d’autant plus
qu’il me manque cette expérience profonde des détails
que possède Öhrnberg, – et que les rivaux vain-
cus seraient peut-être très avares – et même
un peu malins – dans les conseils, que je devrais
leur demander très souvent, au commencement
de cette carrière épineuse. –

La situation est une autre si je suis appelé à cette
place par la majorité des voteurs, sans l’avoir sollicitée,
– et sans même avoir pu, moi-même, faire la cour
aux électeurs et intriguer en ma faveur. Les collègues se-
raient, par ce fait-même, désarmés. Ils devraient alors
m’acceuillir avec plus d’amitié et cacher le déplaisir
|3| qu’ils doiventstruket éprouveraienttillagt en leurtillagt voyant préferé un
”utböling”.

Ces considérations, auxquelles je pourrais encorestruket
ajouter une foules d’autres m’avaient déterminé
à garder une position expectative, c’est à dire de ne pas solliciter la placetillagt et c’est en ce
sens que j’ai écrit, le 3 et 4 Mars, à ma belle-mère
et à Forselles. J’ai dit, confidentiellement, à la vieille,
une raison que je nestruket dois te soumettre, a toi aussi;
c’est que Öhrnberg, qui est à présent trèsstruket grandtillagt favorit chez
le gouvernement, sera probablement appelé au ”högsta
domstolen” dans peu d’années. Si j’obtiens maintenant
beaucoup de voix, sans m’être posé candidat, j’aurai
alorsstruket peut être toutes les chances pour être élu après luitillagt –
et je pourrais, après trois années de préparations,
me présenter avec confiance comme aspirant à la
dignité de maire. –

Ce n’est qu’après avoir écrit les dites lettres,
que j’ai reçu celle de Lagerborg, avec le conseil de ne
pas solliciter la place. – Je m’étais parfaitement
calmé et je poursuivais avec ardeur mes études
financières, tant en me procurant, en passant, des
renseignements sur les affaires communales de Paris.

Eh bien, les lettres m’ont, un peu rejeté dans
le vogue. Tu me pries d’envoyer mes papiers.
|4| Mais ce que tu as appris quant aux chances pour
moi d’être élu n’est cependant pas trop sé-
duisant. Il parait que les grands mots du
préfet n’ont pas été fondés sur une connaissance
éxacte des faits – ce qui lui arrive presque tou-
jours quand il se fait promoteur de quelque chose.
Il parait que je n’ai pas encore à compter sur
un parti considérable, agissant efficacement pour
ma candidature; – ce que j’ai d’autant plus de
raisons à croire, puisque je n’ai reçu aucune ex-
hortation de la part des électeurs mêmes. Enfin,
je serais trop optimiste, si je me faisais [...]oläslig/saknad text
déjà des illusions sur le résultat de l’élection.

Dois-je donc changer d’avis, et [...]oläslig/saknad text
àstruket courrir la risque du scrutin en envoyant ma
sollicitation, – ou n’est il pas plus sage de
ne pas s’exposer à une défaîte, qui certainement
serait vivement apostrophée par mes adversaires?

Les détails que tu me communiques, et dont je
ne puis pas assez te remercier, vue la grande peine
que tu t’es donnée pour te les procurer, – semblent me
garantir que j’aurais assez de voix pour ne pas
faire fiasco et pour ne pas paraître ridicule en me
présentant, malgrès ma jeunesse, à ce scrutin impor-
tant. Mais pas davantage. – La candidature
|5| de Höckert, peut aussi augmenter les chances, en faisant
partager entre lui et Öhrnberg des voix qui sans celà se seraient
[...]oläslig/saknad text concentréestillagt sur celui-ci.

Il est évident aussi, que j’obtiens plus de voix
en m’étant présenté comme aspirant, que si je garde
ma neutralité jusqu’après le scrutin. Je ne sais même pas
si l’on me donne des voix du touttillagt sans ma sollicitation, car tous
les renseignements, que tu me donnes, semblant résulter
de la supposition que je demanderai la place.

Enfin, le désir de ma belle-mère est encore un motif
puissant pour lestruket courir le risque de la candidature.

Ainsi, tout considéré, je pense que je dois en-
voyer à Forselles un plein-pouvoir, avec la réserva-
tion, qu’il doit recevoirstruket attendretillagt de moi une télégramme avant
[...]oläslig/saknad text de l’employer pour la sollicitation. Et ce télegramme
sera un refus, si les nouvelles que tu m’a promises
encore, ne seront pas favorables, – enfin, si Lagerborg,
toi, Forselles, Henri etc n’expriment pas la conviction
sérieuse que la victoire pourra se [...]oläslig/saknad text prononcertillagt de mon
coté. Car, je dois me fier complètement en toi et à
mes amis – ne pouvant pas le moins du monde
juger la situation de moi-même.

– À vrai dire, j’ai vu peu de répugnance pour ce pas
qui me semble de plus en plus hardi. Mais si je dois
subir des pertes considérables par la faillite de Törngrén,
c’est mon devoir de ne pas être trop indifférent aux
chances qui se présentent d’améliorer ma position.
|6| Les nouvelles concernant les affaires de Törngren m’ont at-
risté beaucoup, – pas à cause des pertes qui me menacent,
mais pour le compte de Törngren lui-même, qui doit
être en désespoir. Sic transit gloria mundi! –
J’espère encore un peu qu’on lui accordera un con-
cordat (ackord) au moyen duquel tout le monde serait
mieux payé et lui-même peut être remis en possi-
bilité de continuer une partie de ses affaires. –
Forselles ne m’a pas encore écrit sur le résultat
de la conférence à T^fors; il est en géneral très avare
de ses lettres, – ce qui, souvent est fâcheux pour
moi. Car, en ces matières aussi, je ne puis point
me former un jugement sans connaissance des faits.

Tu peux t’imaginer combien ces préoccupations me
gâtent le reste de mon voyage. En pleine jouissance de la
liberté, de cette tranquillité d’âme dont j’avais si longtemps
manqué et qui serait si nécessaire pour mes études, – je
me vois de nouveaux dans un tourbillon de soucis et
d’inquiétudes – qui encoretillagt iront croissant si j’obtiens la place
de bourgomêtre. – Nous irons d’ici en Suisse vers la fin
de ce mois. Nous passerons quelques semaines à Clarens
et puis nous voulons retourner à H^fors avant la fin
du Mai. – Pour le moment mon adresse est: 211, Rue
S:t Honoré. Mais si tu écris le 20 ou plus tard, il te faut
adresser ta lettre à Genève, poste restante. Car nous voulons
partir le 26 à 28. –

Je vois avec plaisir que ton coeur n’est pas tout à fait
insensible aux charmes féminines. Puisse le printemps ré-
veiller les flammes et en assurer le succès! – – Merci d’avoir
arrangé toutes ces petites affaires! – Prie Sparbanken i Borgå
d’attendre mon retour avant de ”uppsäga lånet der Törngren är i borgen.”

Mille choses de la part de mon incomparable Alexandra à
toi et à Robert! Écris bientôt! Fais parler le télégraphe si les
circonstances l’éxigent!